Des remous dans l'ombre - [Ft - Elwin Morigan]

Humain

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Kagame ne put réprimer bien longtemps le bâillement qui semblait vouloir lui arracher la mâchoire. Pourquoi j'ai voulu commencer la journée si tôt déjà ?

Les rues étaient désertes. Un timide soleil levant se cachait derrière une épaisse nappe de brouillard plutôt inhabituelle pour la région et la saison, laissant une pâle obscurité planer sur les bâtiments. La population ne semblait pas encore réveillée, elle. C'était assez déroutant de traverser les allées et places sans la moindre difficulté quand ordinairement il fallait bousculer au minimum trois personnes pour atteindre sa destination. Non pas que la ville soit très peuplée, mais son agitation était des plus particulière, peut être à cause de l'académie d'ailleurs. Elle grouillait toujours d'activité et, ces derniers temps, elle attirait les plus singuliers personnages, attisant encore une flamme déjà vive.

Kagame s'arrêta devant une boulangerie et décida de s'offrir un petit quelque chose à grignoter. Elle en ressortit, comblée, avec une petite brioche dans laquelle elle mordit avec appétit. Se lever si tôt avait ses avantages, elle avait été la seule cliente et n'avait pas eu à attendre.

Bon, je dois avoir approximativement deux heures avant que les classes de jour ne reprennent et Zero devrait être en train de se reposer. Ça me laisse assez de temps pour fouiller un peu la ville avant de devoir y retourner. Aaaah, dire que c'est censé être le boulot de Tôga...

Elle ignora la touche d'affection qui teintait ses pensées et, savourant sa friandise, se remit en marche. La Yagari avait espéré avoir un nouveau point de vue par rapport à la situation et toutes ces petites choses qui agitaient la ville dans l'ombre en surprenant cette dernière à l'aube, là où les honnêtes gens étaient en majorité encore endormies. Si elle pouvait dénicher des affaires louches, c'était certainement aux heures où l'on n'avait pas besoin de s'inquiéter d'être découvert par hasard.

Après avoir rapidement arpenté les rues principales, Kagame entra dans le dédale de ruelles, l'ombre de la ville. Là, elle observa un brin plus d'activité, des personnes à peine réveillée allant au travail probablement. Rien qui attirait particulièrement son attention.

Un couinement suivit d'un poids sur sa jambe gauche la fit presque sursauter. Oh non, certainement pas ! Tu n'as pas eu peur d'un chien galeux ! Légèrement agacée, Kagame chassa brusque d'un geste l'animal qui avait posé son museau contre son pantalon et continua sa route. Mais il ne sembla pas se démonter malgré le jappement effrayé qu'il avait émit quand elle l'avait repoussé et la suivit, son corps maigre se balançant maladroitement et accompagnant chaque pas d'une plainte misérable.

" Aaaargh, mais tu vas me lâcher, oui ? J'ai rien pour toi, OK ? "

Elle s'était retournée pour s'adresser au canidé, s'attirant une œillade perplexe d'un homme pressé qui passait par là. Le chien ne sembla pas se formaliser de sa brutalité, se contentant de s'asseoir en observant avec intensité ce qu'elle avait dans la main. Quand elle le remarqua et la leva, les yeux de l'animal suivirent le mouvement, de même lorsqu'elle la baissa à nouveau. Kagame poussa un soupir en passant sa main libre dans ses cheveux avant de s'avancer précautionneusement vers la bête pour ne pas l'effrayer.

" C'est ça que tu veux ? Demanda-t-elle dans un souffle en tendant le morceau de brioche qui lui restait vers lui. Le chien tendit le museau et renifla d'un air intéressé, la queue battant faiblement. J'suis pas sûre que ce soit bon pour toi, mon vieux. "

Mais il avait l'air si maigre, si mal en point. Ses côtes ressortaient douloureusement et son poil était si sale que son cœur se serra. Elle avait peut être un point faible pour les chiens, malgré le fait qu'elle essayait de ne pas se laisser affecter. D'un geste délibérément lent, Kagame posa la nourriture sur le sol et recula doucement d'un pas.

" Tiens, puisque tu insistes, empoisonne toi, ça me concerne pas. "

L'animal s'approcha de la nourriture et la renifla encore un instant avant de la prendre précautionneusement entre les dents et de s'enfuir aussi vite que son corps malingre le lui permit. Kagame l'observa jusqu'à ce qu'il disparaisse de sa vue.

" Dis pas merci surtout. "

Alors qu'elle se relevait en époussetant brièvement ses genoux, Kagame entendit un bruit. Bien qu'elle ne parvienne pas à l'identifier, elle se mit sur ses gardes, son instinct lui hurlant un avertissement. Empoignant la crosse d'un de ses pistolets, la Yagari se dirigea vers la source du bruit. Les choses s'accéléraient étrangement et elle n'avait aucune envie d'en rater un seul élément.

Alors qu'elle tournait à l'angle d'une rue, elle aperçu une femme, probablement plus âgée qu'elle et aux longs cheveux noirs, dont la silhouette lui sembla familière. Celle-ci n'avait soit pas remarqué sa présence, soit ne le montrait pas, car elle lui tournait résolument le dos. Remarquant sa posture tendue, Kagame prit à deux mains la crosse de son arme mais laissa le canon pointé vers le sol, histoire de ne pas effrayer la femme si elle venait à se retourner.

" Hey ! "

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Des remous dans l’ombre

A cette heure, la ville était encore endormie. Ceux qui erraient dans les rues étaient rares et pour la plupart faisait partie de ses travailleurs qui n’avaient pas d’autre choix que de se lever tôt ou de se coucher après une longue nuit de veille. Mais qu’ils soient gardiens de nuit ou boulanger, ils évoluaient dans l’inconscience de la menace qui rodait toujours à quelques pas d’eux et regardait seulement cette drôle de jeune femme passant avec une épée à la ceinture. Il y en avait d’autres, des originaux comme elle. D’une certaine façon, il faisait presque partie du paysage local et personne, à part ces mêmes originaux, ne savaient pourquoi ils ne se promenaient pas désarmées. Ce serait pourtant une bonne façon d’éviter les contrôles de police et les longues explications comme quoi ils allaient à un club d’escrime ou un stand de tir. Elwin était habituée à se justifier mais jamais elle n’avait pensé à se défaire de ses seuls moyens de défense contre les vampires, sauf dans des circonstances très particulières où elle n’avait pas vraiment le choix. De toute façon, il était trop tôt pour croiser un policier trop curieux et pas assez tard pour ne pas risquer de tomber sur un vampire, même si le soleil n’était pas toujours gage de sécurité.

Elwin était sur le chemin de la boulangerie quand une sensation déplaisante avait fait se dresser les poils le long de sa nuque et l’avait poussé à s’engager dans une ruelle. Il n’y avait qu’une chose pour justifier ce mal être général : des levels End. Un, deux, ou trois n’étaient pas un vrai problème, quand l’on n’avait pas le ventre presque vide, que l’on était bien réveillée et qu’ils n’étaient pas plus nombreux. Elle allait finir par penser que se mettre dans les ennuis étaient une seconde nature chez elle. Pourtant elle n’avait pas peur, ou, plus exactement, elle n’écoutait pas cette petite voix qui lui disait de fuir, de chercher de l’aide. Même là, il n’y en aurait pas. Face à des non humains, elle ne pouvait espérer gagner à la course. Elle en élimina un, ne regardant même pas son visage se décomposer pour finir en poussière, passant déjà au suivant, grimaçant en sentant son bras se faire lacérer et la chaleur de son sang couler sur son poignet gauche. Cela ne l’arrêterait pas et même si elle devait perdre un bras, elle n’avait besoin que d’un seul pour manier sa bâtarde. Lorsqu’elle rentrerait à l’Académie, elle irait demander à Kaien s’il savait où trouver des Holly Grenades, même si ce n’était pas pour chasser du lapin garou. Dans les situations extrêmes ce serait plutôt intéressant !

« Mais tu penses à quoi ma fille ? » dit elle à haute voix, riant à sa propre pensée. Pas vraiment le moment ! Heureusement qu’elle savait retourner un coup de pommeau dans les dents d’un attaquant vicieux qui voulait la prendre par derrière ! Elle pivota sur le côté et l’acheva avant de regarder les suivants. De l’aide serait la bienvenue mais il n’en restait que deux. Le plus gros était fait, normalement.
Pour limiter les mouvements de l’adversaire, elle recula vers l’entrée d’une rue, plus étroite, pointant son arme vers le sol, prête à la relever. Il y eut un bruit dans son dos, celui d’une arme peut être. Ami avec de la chance. Chasseur si elle avait le droit à un Deux Ex Machina. Elle ne pouvait pas vérifier, pas alors qu’un des deux vampires avaient disparus subitement de son champ de vision.

« Oh mer…. » commença t elle avant de relever instinctivement son épée et embrocher d’un coup d’estoc celui qu’elle voyait encore et qui s’était jetée sur elle pendant qu’un moustique un peu trop gros s’approchait de sa nuque. Finir comme ça, c’était vraiment la poisse… Elle n’aurait même pas pu prendre un dernier croissant et une tasse de café…

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Humain

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Si elle n'avait pas été hunter, Kagame serait restée pétrifiée de surprise. Ce ne fut que grâce à son instinct qu'elle put lever son arme en enlevant la sécurité d'un geste brusque, viser approximativement juste et appuyer sur la gâchette. La balle fila et vint se loger dans les chairs de l'épaule du Level E qui s'apprêtait à faire son goûter de la femme à l'épée. Celui-ci accusa le choc et recula d'un pas, ce qui laissa à Kagame le temps de lui tirer une seconde balle, dans la tête cette fois-ci.

Ce n'est que lorsque le corps du vampire s'affaissa dans un nuage de cendres que la Yagari s'autorisa à reprendre son souffle. L'adrénaline courrait encore dans ses veines, affolant son cœur et faisant tressaillir ses mains, aussi prit-elle la précaution de désarmer son arme pour éviter qu'un coup ne parte tout seul.

" Je m'attendais pas à ça de si bon matin... "

Voir une jeune femme se faire attaquer en pleine rue par ce qui maintenant ressemblait fortement à quatre vampires rendus fous par la soif de sang était très bas dans sa liste des 'choses que Kagame Yagari aime faire le matin'. Se rappelant la présence d'une potentielle victime, Kagame porta son regard vers celle-ci. Elle l'observa rapidement, notant une blessure au bras qui, elle supposait, devait faire un mal de chien, mais à part ça, la jeune femme semblait indemne, quoique peut être un peut secouée. Après tout, une attaque de cette envergure était rare, c'était d'ailleurs alarmant que ça se produise. Avec les autres événements étranges qui se produisaient ces temps-ci, ça faisait beaucoup de choses pour n'être qu'une coïncidence. Y a vraiment quelque chose qui se trame en ce moment... J'aime pas ça.

" Ça va ? Est-ce vous êtes blessée autres part ? Demanda-t-elle en s'approchant doucement et en désignant son bras qui saignait abondamment. La vache, vu de près c'est encore moins joli, 'va probablement falloir des points de suture. "

Kagame rangea son arme dans son manteau et s'arrêta à distance respectueuse, ne sachant pas quelles limites elle pouvait se permettre de franchir avec quelqu'un qui maniait avec tant d'aise une arme blanche. Elle en profita pour l'étudier discrètement. Elle avait l'impression de l'avoir déjà croisée, mais elle n'arrivait à se souvenir où ou même si elle lui avait déjà parlé.

Kagame préféra taire ses interrogations, se concentrant sur la santé de son interlocutrice. Cette dernière avait d'ailleurs vraiment bien combattu. Il ne faisait aucun doute qu'elle était une hunter, et elle semblait très expérimentée. Décimer trois vampires incontrôlables n'était pas anodin, surtout avec une arme blanche -du moins, pour Kagame-. Qui es-tu exactement ?

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Des remous dans l’ombre

La chance semblait devoir sourire à Elwin ce matin. Une détonation résonna dans la ruelle, suivie d’une autre, droit dans cette menace sur le point de fondre sur sa nuque. Une arme humaine ne pouvant atteindre ce résultat, cette nouvelle venue était nécessairement une chasseuse, elle aussi. Comme quoi, les Deus Ex Machina, ce n’était pas que dans les films au scénario à bout de souffle…

La menace étant présentement écartée, même si Elwin était prête à parier qu’il y en avait d’autres pas loin, si ce n’est un repère pour ses êtres corrompus par leurs pulsions sanguinaires, elle remit son arme au fourreau. La présence d’une autre hunter lui permettait de souffler et s’occuper de son bras, qui, comme cette dernière le soulevait, saignait abondamment. Assez pour craindre quelques points de sutures mais cela attendrait. Pour arrêter le saignement, elle déchira un pan dans le bas de sa chemise et le noua autour, sans pour autant faire un garrot. Couper la circulation sanguine était généralement loin d’être la plus merveilleuse des idées que l’on pouvait avoir.

« Ca ira. C’est moins moche que ça en a l’air mais ça va attirer les rapaces… »

Et c’était bien là le souci avec une blessure dans un monde où une créature pouvait sentir une goutte de sang à des lieux à la ronde. De plus, elle aurait plus de mal à utiliser son bras, ce qui voulait dire une faiblesse, une faille dans sa défense. Le bon sens voudrait donc qu’elle rentre rapidement, se soigne et se contente d’un bouquin pour ses heures d’ennuis mais les actions censées ne rentraient que rarement dans son vocabulaire.

« Merci pour le coup de main. Et au fait moi c’est Elwin. L’on ne se serait pas croiser quelque part ? »

Maintenant qu’elle regardait la jeune demoiselle à qui elle devait la vie -elle n’allait pas chercher à le nier-, elle avait un sentiment de déjà vu. Elle était presque certaine de ne jamais lui avoir parlé mais il était certain que ce n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait à moins de 20 mètres. Il était possible qu’elle soit une élève de l’académie ; il y avait des hunters parmi eux après tout. Mais peut être n’était elle que la fille qu’elle avait remarqué en laissant ses yeux se promener dans un café.

« Mieux vaudrait ne pas trop traîner ici. S’il y en a d’autres dans le coin, ils vont rappliquer. D’expérience, y a toujours un nid pas loin des terrains de chasse des adorateurs du jus de tomates… »

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Humain

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Kagame grimaça en voyant sa collègue hunter panser son bras. Malgré le professionnalisme et l'assurance de l'autre hunter, la Yagari ne pouvait qu'imaginer la douleur qui devait agiter son système nerveux avec une telle blessure. De plus, elle n'avait pas tort, l'odeur métallique de son sang aurait tôt fait d'appâter d'autres vampires assoiffés, ce qui n'était pas la meilleure chose vu que l'une d'elles était blessée. Dans d'autres circonstances, ça aurait permis de décimer quelques menaces potentielles, mais là, ce n'était vraiment pas la meilleure configuration. Non pas qu'elle doutait de l'efficacité de la hunter, mais avec une arme blanche comme la sienne, avoir un bras potentiellement inutilisable pouvait vite devenir un handicap mortel.

Elwin, hein ? Ça me dit quelque chose, mais pas assez pour que je la connaisse vraiment... Tôga doit sûrement la connaître, vu l'aisance avec laquelle elle a combattu. Apparemment, le sentiment était réciproque. C'est vrai que je ne me suis pas présentée...

" Pas besoin de me remercier, c'est aussi mon boulot j'te signale, répondit-elle en jetant un regard circulaire autour d'elle, vérifiant qu'aucun danger n'avait montré les dents le temps qu'elles reprennent leurs esprits. Moi c'est Kagame. On a déjà dû se croiser, ouais. J'me souviens pas où. "

Elle avait laissé tombé le vouvoiement, décidant que si elles étaient collègues, elle n'avait pas à faire comme si elle était polie. C'était fatiguant pour rien.

Étant tout à fait d'accord avec les dernières remarques d'Elwin, Kagame prit un instant de réflexion. Il leur fallait effectivement partir d'ici au plus vite pour éviter d'essuyer un deuxième assaut qui pourrait être bien plus dévastateur. Avertir la Guilde pourrait être une bonne idée, pour que d'autres hunters puissent prendre le relais et surveiller la zone, histoire d'éviter que des civils innocents et ignorants ne deviennent la nourriture de quelque vampire affamé attiré par l'odeur du sang d'Elwin.

" On devrait bouger vite, t'as raison. On peut aller à l'académie, y a pas mal de hunters qui y crèchent, et je pense pas que Cross m'engueule pour ça. Faudra juste faire gaffe à c'que le p'tit Kuran tienne bien en laisse les autres, mais ça devrait le faire. "

En disant ces mots, la jeune femme ressortit son arme, vérifiant son chargeur et le nombre de balles qu'il lui restait. Elle n'avait pas emmené plus de munitions, supposant que ce serait une matinée calme et qu'au maximum le chargeur de ses deux pistolets serait amplement suffisant. Mais là, le risque qu'elles marchent dans une embuscade en chemin réduisait drastiquement sa confiance en son jugement et elle préférait savoir le nombre exact de balles qu'il lui restait.

" A moins que t'ai un autre endroit en tête, évidemment. "

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Des remous dans l’ombre

Où ces deux femmes que rien, si ce n’est leur appartenance à l’engeance des hunters, ne rassemblait au premier abord ? Le prénom de Kagame n’évoquait pas grand-chose à Elwin, qui aurait pourtant immédiatement fait le rapprochement avec un certain Tôga si elle avait décliné son nom de famille.

« Kagame ? J’essaierai de m’en souvenir ! »

Elle nota également, sans réagir pour autant, que la jeune chasseresse avait abandonné le vouvoiement pour le tutoiement, plus commode et naturel certainement pour elle. Cette fille n’aimait donc pas se fatiguer avec la politesse ? Ce n’était pas une mauvaise chose. Au moins elles ne perdraient pas des heures chaque jour en politesse.

Elwin la laissa également réfléchir à paroles, guettant des signes d’activités menaçantes mais il n’y avait rien, à part un bandage de fortune se teignant rapidement de rouge. La blessure était peut être plus grave qu’elle ne l’avait estimé mais elle s’imaginait mal expliquer à un médecin comment elle s’était fait cela. Mieux valait ne rien dire aux ignorants, ou, pire selon elle, paraître faible devant les autres. Car Elwin Morigan était de ces personnes qui essayaient de toujours montrer un visage fort, donner l’impression qu’ils n’avaient besoin de personnes et qu’ils pouvaient tout faire. Et si elle avait un jour à se justifier sur cette façon de penser elle dirait sans doute « C’est à cause de ce que j’ai vécu. J’ai jamais eu le choix. ». Un piètre mensonge pour dissimuler une seule chose : la peur de mettre en danger les autres, de devoir assumer une situation.

« Je sais, c’est un peu là que je bosse... Et Cross, il va pas nous faire des crosses quand même ! Il est tout gentil sous ses airs de grand déluré ! »

Le respect s’était envolé depuis longtemps, attristant ceux auxquels il aurait dû être adressé au moins autant que la mère oiseau voyant quitter son petit oisillon le nid pour la première fois !

« Et le petit Kuran, comme tu dis, s’il tient pas ses cocos en laisse, ils se prendront un bon coup d’épée dans la poire. Pareil pour lui s’il vient se plaindre ! »

Elle ne le craignait pas, même si elle devrait sans doute vu que ce n’était pas un moins que rien. Mais avoir peur, se laisser dominer par ce sentiment, s’était perdre avant même d’avoir débuté les hostilités et comme jusqu’à preuve du contraire ils n’étaient ni amis ni alliés mais seulement de camps adverses tentant d’aller sur le chemin de la paix, elle n’allait pas lui accorder une confiance aveugle, oublier qui il était, ce qu’il était : un vampire, une créature désireuse de se nourrir de sang.

« Après, y a toujours l’option de s’attaquer à une pharmacie, histoire de piquer une boîte de compresses et de l’antiseptique puis aller se prendre un café au premier troquet ouvert mais bon… Au moins à l’académie, y a pas de vampires pour nous ennuyer et l’on peut prendre un peu de matos pour aller au bal vampirique, s’inviter dans la danse et estropier nos cavaliers ! »

Elle avait répondu avec un certain engouement avant de se mettre en route pour regagner l’artère principale. De là, elles iraient vers où elles auraient décidé mais en attendant c’était relativement plus sûr que de rester dans une ruelle obscure, mal éclairée, déserte.

« Mais bon si t’as une course à faire dans le coin avant, on peut y passer. J’ai clairement vu pire comme blessures ! »

Et c’était peu de le dire. Elle en avait récolté un bon nombre, avant de finir par acquérir une vivacité suffisante et une sorte de sixième sens qui lui permettait de frapper là où serait l’ennemi et non pas là où elle le voyait quand elle déclenchait son coup.

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Humain

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Kagame écouta Elwin, hochant la tête et laissant un sourire étirer ses lèvres lorsqu'elle suggéra rappeler elle-même à l'ordre le Sang-Pur parrain de l'académie. En effet, la chasseuse semblait plus que capable de mettre ses paroles à exécution et elle donnait l'impression qu'elle n'hésiterait pas à le faire si l'occasion venait à se présenter. Après tout, se rappela Kagame une énième fois depuis les cinq minutes qu'avait duré leur rencontre, elle venait d'affronter et de vaincre trois vampires en ne s'en sortant qu'avec une vilaine morsure au bras. Je f'rais bien de commencer à m'intéresser aux autres hunters, histoire de pas passer à côté de monstres pareils.

Un rire franc lui échappa devant l'enthousiasme que sa collègue montrait à l'idée de trancher des morceaux de vampires ignorants. Elwin avait l'air d'être une femme forte et qui ne s'en cachait pas, un bon atout pour un hunter, tout en restant prudente et réfléchie. Kagame se sentait étrangement à l'aise en sa compagnie. Et, bizarrement, c'était comme si un poids dont elle n'avait pas conscience venait de s'envoler, un nœud dans sa poitrine se dénouant.

Alors qu'Elwin se mettait en route, la Yagari la suivit sans un mot. Il s'était passé tant de choses ces derniers mois, tant de choses sur lesquelles elle n'avait aucun contrôle. Elle pensait avoir réussi à en ressortir avec des convictions et à en tirer de la force, mais même ça, même ce qu'elle pensait lui appartenir, avait été ébranlé. Elle ne savait plus que penser, plus que faire et elle se rendit compte qu'elle s'était mise en pilotage automatique pour s'adapter à tant de changements. Parler avec Elwin, qui de premier abord semblait être une hunter décente n'appréciant pas particulièrement la race vampirique, était comme une vieille routine perdue qui reprenait sa place, apportant avec elle ce sentiment de sécurité et de contrôle. Avant, mépriser et cracher sa haine sur les vampires était le naturel de tout hunter, du moins de la plupart, et Kagame trouvait une once de réconfort à savoir que d'autres partageaient ce ressenti. Tout avait été cependant remis en cause. Ses convictions, si fortes et inébranlables, commençaient à vaciller. Et ce simple fait la faisait suffoquer de honte et de culpabilité. Car ils lui avaient pris, comme ils avaient pris à tant d'autres, et, ne serait-ce qu'en la mémoire des perdus, elle se devait de leur refuser catégoriquement le pardon, de les haïr pour ceux qui ne le pouvaient plus.

Elwin semblait se diriger vers un axe principal de la ville, ce qui pouvait être à la fois une bonne et une mauvaise idée. Il y aurait plus de passage donc moins de chance de tomber dans une embuscade et elles pourraient rejoindre n'importe quelle destination plus rapidement, mais les passants les regarderaient bizarrement à la vue du sang qui tâchait le bras de la chasseuse et un vampire assoiffé et attiré par l'odeur n'aurait aucun scrupule à attaquer devant une foule de témoin, et étouffer un fait divers aussi étrange demanderait beaucoup d'efforts.

" Je pense pas qu'ignorer la blessure soit une bonne idée, grommela-t-elle en fourrant les mains dans ses poches. A moins que t'ai envie que ça s'infecte ou un truc du genre et de clamser à quoi, vingt ans ? Dans ce cas, c'est ton problème. "

Kagame savait qu'elle passait pour une adolescente grincheuse mais ses pensées l'avaient plus troublée que prévu et elle n'avait que ce masque pour le cacher. Et puis, elle avait été interrompue dans sa mission et devrait probablement retourner à l'académie plus tôt que prévu sans avoir le temps d'en ressortir car il lui faudrait reprendre sa mission officielle.

" Je pense que l'académie est la solution la plus simple, on peut passer par l'infirmerie, ils devraient avoir tout ce qu'il nous faut là-bas, vampires obligent. "

Elle n'avait jamais vraiment visité l'infirmerie encore à part pour la localiser et retenir son emplacement, mais elle doutait qu'elle ne contienne pas le nécessaire pour panser une blessure. Yuki et Zero étaient chargés de discipline et portaient des armes, sans compter les hunters résidents de l'académie, et le directeur était bien trop papa poule pour ne pas leur laisser un stock à disposition autre part que chez lui. D'ailleurs...

" Attends, t'as dit que tu bossais à l'académie ? En mission ou en tant qu'employée ? J'ai dû te voir là-bas, mais ça m'étonne de pas avoir tilté que t'étais des nôtres. "

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Des remous dans l’ombre

La chance que deux hunters travaille, pour l’une, et étudie, pour l’autre, au même endroit ne devait pas être bien haute. Certes, dans cette petite ville, à proximité d’une académie où mortels ignorants, chasseurs et vampires se côtoyaient chaque jour et nuit, avec pour toute frontière qu’une grille et des heures, elle augmentait un peu mais pas assez pour rendre cette rencontre anodine. Le Destin, l’Ordre Cosmique, ou le Hasard, tout dépendait de ce en quoi l’on préférait croire avait parfois un sacré sens de l’ironie.

Elwin eut un sourire à cette pensée. Oui, c’était bien amusant de tomber sur une autre hunter en ces circonstances. Ce sourire venait adoucir quelque peu l’assurance féroce dont elle faisait preuve, qu’elle arborait comme un second manteau et disait clairement qu’elle ne craignait pas d’aller en découdre, maintenant, même blessée, même avec une simple épée. Elle avait connu plus terrible par le passé, et avait survécu. Elle savait qu’elle ne ferait pas de vieux os, ou du moins qu’elle n’avait que peu de chance d’en faire. Si elle pouvait faire un maximum de dégâts dans les rangs des dégénérés, et de tous ceux qui nuisaient à l’espèce humaine, à la paix, elle s’en ferait une joie et un devoir. Mais malgré cela elle était consciente que tous les vampires n’étaient pas que des monstres, des êtres assoiffés de sang et qu’une entente était envisageable afin de faire cesser le conflit. Pour combien de temps ? C’était là la question.

« Sans doute. Je veux pas savoir depuis quand il n'a pas croiser la route d’une brosse à dent… » ironisa t elle en réponse à Kagame, qui semblait plus inquiète par la blessure que par l’idée de se faire attaquer à nouveau par des vampires pendant qu’elles discutaient.

« Et oui, c’est à peu près ça. Vingt-cinq, c’est pas si vieux encore. »

Tant pis pour la sortie matinale. Elle verrait à retourner en ville quand elle en aurait le temps. Ce n’était pas bien difficile de sortir. Le plus dur était d’avoir son arme avec elle et elle n’aimait que moyennement les armes à feux.

« Oui. Vu l’heure, l’infirmière ne devrait pas y être mais j’ai pas besoin d’elle. Juste de l’armoire à pharmacie. Avec le temps, on devient expert en soins de base. »

Combien de fois s’était elle blessée ? Trop souvent. Il lui était même arrivée de se livrer à de la couture sur elle-même. Un grand moment de stress et de jurons mais qui lui avait évité un nouveau passage aux urgences.

« Je suis employée. Juste employée. Je reste assez discrète, me contentant de faire le boulot de surveillante, m’assurer que personne n’aille dans une zone interdite, garder un œil pendant les festivités, les examens sur les élèves… »

Sa seule mission était celle qu’elle s’était confiée à elle-même : garder un œil sur sa sœur adoptive, s’assurer qu’elle s’engage dans la bonne voie jusqu’au jour où la vie ferait qu’elle ne pourrait plus tenir ce rôle de grande sœur et devrait soit s’endormir entre quatre planches, soit quitter son monde pour la protéger. Elle n’obéissait pas à la guilde, n’y étant liée d’aucune façon. Elle avait cette liberté, et, d’un certain point de vue, cette faiblesse.

« Et toi ? Etude ou mission ? Les deux peut être ? » demanda t elle en retour, curieuse d’apprendre à connaître un peu plus cette fille. De plus cela faisait un excellent sujet sur le chemin du retour. « Si c’est une mission, elle consiste en quoi si ce n’est pas indiscret ? »

Quoi qu’elle réponde, il y avait moyen de le découvrir autrement. L’espionner d’abord, interroger d’autres hunters, voire des vampires était un autre moyen. Elwin effectuerait sans doute l’une de ces démarches mais pour l’heure elle n’y pensait pas. Elle n’avait encore aucune raison de douter de Kagame.

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Humain

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Kagame se surprenait à rire facilement en présence de l'autre hunter. Sa répartie cinglante et ses remarques ironiques étaient parfaitement comiques même malgré la nature de leur situation. Cependant, elle n'arrivait pas à déterminer si Elwin était simplement une hunter assez douée pour ne pas se laisser influencer par la gravité d'une situation ou si elle ne mesurait simplement pas le danger qu'une blessure telle que la sienne représentait. Elle avait l'air d'être débrouillarde et agile avec une arme blanche dans les mains, sans compter qu'elle venait de massacrer trois vampires à elle seule, aussi la seconde option paraissait improbable. Kagame supposait qu'elle savait ce qu'elle faisait et qu'elle était juste plus expérimentée qu'elle, ce qui lui permettait de garder un sang-froid inimitable alors même que son bras saignait à grosse gouttes, ce qui pourrait soit attirer d'autres nuisibles soit mettre en danger sa propriétaire si la blessure décidait de faire des siennes.

Ça n'était peut être pas la pire des situations imaginables, mais Kagame était tout de même assez contrariée que ça se soit passé comme ça. Si elle était arrivée plus tôt ou avait simplement réagit avant de réfléchir, écoutant son instinct, peut être aurait-elle évité à sa collègue un tel désagrément. Elle avait encore beaucoup de progrès à faire...

" Nan, c'est jeune. 'fin, pour un humain. Pour une hunter, tu est presque une doyenne déjà. "

Un petit sourire moqueur pris place sur les lèvres de la Yagari. Vu la vie qu'ils menaient, il n'était pas rare pour les hunters de mourir à peine la trentaine passée, voire plus jeune encore. Elle n'avait pas encore beaucoup d'expérience dans le domaine, mais le peu qu'elle avait ainsi que les récits de Tôga lui suffisaient pour le déduire.

D'ailleurs, d'après les dires d'Elwin, ce n'était pas son premier rodéo. Ce qui en soit n'était pas étonnant non plus pour un hunter, ça forgeait le caractère et forçait à s'améliorer en un temps restreint. N'empêche, Kagame n'avait pas hâte de devoir acquérir les même connaissances. Ou alors... Elle pourrait observer Elwin à l’œuvre. De toute façon, elle l'accompagnerait jusqu'à l'académie, qu'elle aille jusqu'à l'infirmerie ne devrait pas être trop bizarre même si Elwin connaissait de toute évidence déjà l'établissement.

" Ouais, j'ai dû te croiser dans un couloir alors. Jamais vraiment fait gaffe à qui bosse dans l'académie, bon choix de couverture. "

Même en sachant qui elle était et en ayant tout le loisir de la dévisager, Kagame devait admettre qu'elle n'arrivait pas à se souvenir de quand elle aurait pu la croiser. Ce qui était un peu dérangeant, mais prouvait tout aussi bien que le personnel pouvait passer inaperçu, voire devenir totalement invisible. La Yagari prit soin de s'en faire une note mentale pour de prochaines missions. Voir sans être vu était toujours un avantage à prendre.

En réponse à la question d'Elwin, Kagame haussa les épaules, pas certaine de comment répondre. Elle n'était pas censée être là, et même si Elwin ne semblait pas du genre à tout rapporter à la Guilde, elle ne la 'connaissait' que depuis quelques minutes à peine. Mais si elle ne répondait pas, elle doutait que la hunter en resterait là, ça paraîtrait trop suspect alors qu'elle cherchait juste à cacher son manque d'assiduité dans sa mission.

" Bof, un peu des deux. Disons que ce que je dois faire est pas super intéressant alors je m'occupe comme je peux. "

Une réponse vague, mais une réponse quand même. Désireuse de changer le sujet de la conversation, Kagame reprit bien vite la parole.

" Et donc, qu'est-ce qu'une surveillante fait dans ces ruelles à cette heure-là ? "

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Des remous dans l’ombre

Une doyenne ? Nan mais oh ! Et le respect des anciens ? Ah ces jeunes ! Tous les mêmes ! Avec leur belle gueule et leur petit cul adorable ils se croient tout permis !

Elwin n’en souriait pas moins. C’était drôle tout de même cette tendance des plus jeunes à voir quelqu’un de moins de dix ans sont aînés comme un vieillard, un vestige d’une époque oubliée. Et puis, pour une fois que ce n’était pas dit méchamment, elle n’allait pas en faire tout un fromage. Tiens ? Cela faisait un certain temps qu’elle n’avait mordu dans un bout de fromage à la réflexion. Ce qui était plus vexant c’était d’apprendre qu’elle était passée totalement inaperçue. Cette fille allait en cours ? Ou elle restait cloîtrer dans sa chambre ? Elle le disait elle-même, elle ne cherchait pas à attirer l’attention sur elle mais au point d’être un fantôme ? Bon l’avantage c’est que cela voulait dire qu’elle pouvait circuler et surprendre les petits fous pensant pouvoir aller à l’encontre des règles. Un mal pour un bien…

Kagame refusant de s’étendre sur la raison de sa présence, Elwin ne poursuivit pas sur le sujet. C’était certainement une mission de surveillance, d’un cas sensible ; les pires car longues, lentes et sans rebondissements. De plus Elwin n’était pas la dernière à être méfiante vis-à-vis des motivations des gens, de leur honnêteté. Elle comprenait donc pourquoi cette jeune chasseresse préfère garder le mystère.

« Ce que je fais là ? J’ai voulu me promener de bon matin, passer à la boulangerie et j’ai trouvé que cette ruelle était déplaisante donc j’y suis allée… Tu sais ce que c’est cette pulsion d’aller vers le danger… »

Et c’était bien à cause de cela qu’elle en était là maintenant avec un bras ensanglantée, à justifier de sa présence à une cadette. Le monde à l’envers, vraiment !

Pour limiter le risque de faire face à d’autres désagréments, et se faire ennuyer par les premiers levés aux visages hagards, elle pressa le pas. Plus tôt elles seraient de retour à l’académie, plus tôt sa plaie serait pansée et plus tôt elle pourrait passer à autre chose. Mais ce autre chose n’était pas pour autant « fuir Kagame » ; au contraire elle souhaitait pouvoir échanger quelques mots, afin de la connaître un peu mieux. Une personne pouvant donner un coup de mains, ou vous sauver les miches méritait un peu d’attention !

« Arf… Dire que j’aurais p’tet pu me faire un nid et qu’à la place je vais devoir jouer à l’infirmière avec toi ! Parce que je te paris que la petite infirmière est bien partie se planquer… » et voilà qu’elle râlait à voix haute. Elle ne s’arrangeait pas avec l’âge, la doyenne !

« Désolée de pourrir ta sortie. »

Elle s’était déjà excusée ? Peut-être, elle ne s’en rappelait plus et même si c’était le cas elle pourrait le dire cent fois que ce ne serait pas assez à son goût. Elle lui était redevable malgré tout.

Elles arrivèrent finalement à l’académie, devant le portail qu’Elwin ouvrit avant de prendre la direction de l’infirmerie, allant au plus court. Sur le chemin, elle poursuivait le semblant de discussion maladroite qu’elles avaient entamée.

« Les cours ça va comme tu veux sinon ? Pas trop dur de rester éveiller la journée ? » c’était le grand souci des hunters quand ils se levaient tôt et se coucher tard pour le bien de leur mission. Ils ne dormaient pas assez, vivaient d’une façon qui ne favorisaient pas les vieux os. De plus les élèves à dormir en classe et à décrocher n’étaient pas particulièrement rares ; ils n’étaient seulement pas majoritaires.

Ce n’est qu’une fois dans l’infirmerie, vide à cette heure, qu’Elwin remarqua une autre blessure, une griffure sur les côtes gauches. La poisse, elle ne l’avait pas remarqué, sans doute à cause de l’adrénaline et de la superficialité de la blessure mais comme ce n’était pas un gros chat qui l’avait griffé il valait mieux aussi désinfecter au minimum.

« Ah bah si j’en ai une autre… Je vais encore galérer à nettoyer ça… »

Elle sortit de l’armoire à pharmacie le nécessaire, remonta sa manche en grimaçant et retira le tissu servant à stopper le sang. La plaie n’était pas belle. Elle le réalisait maintenant qu’elle prenait le temps. Elle commença donc à la nettoyer, à l’antiseptique et avec une compresse, maudissant le concepteur de l’humanité qui avait jugé que deux bras étaient suffisants car il fallait une certaine agilité pour tout faire d’une main puis lorsqu’elle voulut mettre la bande elle fit face à une difficulté plus grande. Enroulait d’une main était un exploit hors de sa portée.

« Un coup de main s’il te plait ? Et après si tu pouvais m’aider avec l’autre ce serait sympa… »

Le seul problème serait si elle devait retirer sa chemise -ce qui serait sans doute plus pratique que de tenter de remonter le tissu jusque sous l’aisselle, la griffure semblant courir de ce point à ses hanches-, puisqu’elle ne portait rien en dessous, ayant privilégié son confort ce matin-là, à cause d’une blessure récente, presque cicatrisée, dans le dos que la bretelle de soutien-gorge ne cessait de frotter.

Codage par Libella sur Graphiorum

Humain

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Kagame prit soin de calquer son allure sur celle de la blessée, lui laissant le soin de choisir la vitesse de la marche. Elwin restait la plus âgée et, par la même occasion, la plus expérimentée, il était tout naturel de lui laisser les rênes. D'autant plus que lui imposer un rythme trop soutenu ne serait pas bienvenu même si Elwin ne semblait pas plus que ça soucieuse ou handicapée par sa blessure et avançait d'un pas preste. Au moins, ça sera pas de ma faute si une blessure qu'on aurait pas remarqué décide de faire des siennes parce qu'on va trop vite.

La jeune femme fut soulagée que son aînée accepte le changement de sujet sans broncher. Elle n'était déjà pas très fière de son propre comportement, alors elle préférait ne pas trop en divulguer.

L'attrait du danger, hein ? Effectivement, c'était un trait qu'elle pouvait comprendre. D'ailleurs, ça devait probablement être implicitement recommandé dans le descriptif du métier de hunter. Ou ce genre de conditions écrites trop petit en bas de page. Il n'empêchait que parfois -souvent-, ce n'était pas exactement une qualité que de vouloir sans cesse se mêler aux situations dangereuses, la preuve en était le bras ensanglanté d'Elwin. Ça allait de pair avec une certaine inconscience. Mais Kagame ne fit aucune remarque, elle-même ayant déjà été en faute sur ce point.

Elle eut un petit ricanement en écoutant les plaintes et les excuses d'Elwin.

" T'as rien pourri du tout, je commençais à me languir de la sensation d'abattre du vampire. Et puis, c'est pas ta faute si ces buveurs de sang se croient tout permis. "

Lorsqu'elles entrèrent dans l'académie, Kagame suivit Elwin jusqu'à l'infirmerie, prenant soin d'observer leurs environnements et de noter toute agitation suspecte du paysage. Si la Day Class dormait probablement encore, ce n'était pas forcément le cas de la Night Class, et Dieu savait que certains d'entre eux ne savaient pas se tenir dès que le plus petit fumet de sang leur parvenait. Elle ne voulait pas exactement causer un scandale en tirant sur un élève, mais s'ils en venaient à ça, elle n'hésiterait pas.

Elwin regagna son attention lorsqu'elle reprit la parole alors qu'elles approchaient de l'infirmerie. Ah, les cours...

" Je suis pas la plus assidue, ça m'intéresse pas tellement, répondit-elle avec un haussement d'épaules. J'me fais assez discrète pour siester pendant les plus inintéressants. "

En réalité, elle allait le moins souvent possible dans les salles de classe. Ça impliquait de mettre l'uniforme noir de la Day Class pour passer relativement inaperçue et d'écouter d'une oreille le blabla d'un professeur parfois lui-même pas du tout convaincu par ce qu'il racontait. Nan, elle préférait largement rôder autour du bâtiment, se trouver un arbre ou faire une sieste de quelques minutes ou un point de vue donnant sur la classe qu'elle devait surveiller. Ou alors faire tout autre chose...

En entrant dans la petite pièce vide, Kagame entendit Elwin grommeler quelque chose qu'elle ne comprit pas, lui faisant hausser un sourcil. Elle l'observa se servir dans l'armoire à pharmacie et commencer à s'occuper de la plaie sur son bras. La blessure n'était pas belle à voir, les chairs rougies et déchirées avaient imbibé le bandage provisoire et y appliquer l’antiseptique ne semblait pas être une partie de plaisir.

Kagame ne remarqua qu'à ce moment la seconde blessure sur les côtes de la jeune femme. Elle ne semblait pas très profonde mais avait quand même rougi le tissu du haut d'Elwin, la tâche carmine un indice qui n'était pas là plus tôt. Kagame grimaça.

Elle releva les yeux aussi sec en entendant Elwin lui demander son aide. Elle n'avait pas réalisé qu'elle était en difficulté et s'empressa de la rejoindre et de lui prendre gentiment les bandages des mains.

" Bon, j'suis pas experte mais je vais faire de mon mieux. Dis moi si c'est trop serré. "

Kagame s'attela à sa tâche avec autant de concentration qu'elle n'en était capable, déroulant la bande lentement et faisant attention à serrer assez sans non plus couper la circulation du sang. Elle n'avait pas énormément d'expérience là-dessus mais ses maigres capacités devraient suffire pour l'instant, du moins tant que l'infirmière était absente.

Une fois son travail terminé et le bandage en place, elle jeta un regard à la ligne rouge tracée sur le haut d'Elwin. D'après le sang, la blessure devait parcourir tout le côté gauche de la hunter.

" Pour l'autre, va falloir que tu me dégage le passage si tu veux que je t'aide par contre. J'vais pas pouvoir faire ça à travers le tissu. "

Elle s'équipa rapidement de l'antiseptique dont elle imbiba une nouvelle compresse. Si la plaie n'avait pas l'air trop sérieuse, il était vrai que la désinfecter était indispensable. Qui sait quelle maladie des vampires crasseux peuvent transporter? Kagame eut un frisson de dégoût à cette pensée.

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Des remous dans l’ombre

Le comportement agressif des vampires n’était pas de sa faute en effet. Mais malgré le ressentiment qu’elle éprouvait à l’encontre de cette espèce, elle ne put s’empêcher qu’avec quelques efforts de rétorquer que les agressifs n’étaient pas uniquement chez les vampires. Les hunters étaient souvent bien prompts à réagir et les humains… Eh bien ils étaient humains.

Au moins la gamine avait la bonté de ne pas lui envoyer dans les gencives qu’elle avait pourri sa sortie, même si c’était sans doute le cas. Elle continua donc la discussion une fois dans l’enceinte de l’académie.

« Qu’importe la mission, étudier est important aussi. Ne serait ce que parce qu’un peu de diplôme et de culture aide parfois beaucoup à approcher les cibles. »

L’argument valait ce qu’il valait. Elle l’avait glissé volontairement là parce qu’elle avait l’impression que cette fille se moquait quelque peu des études, sous prétexte que son travail de hunter primait. Hors pour Elwin si ce sacerdoce était important, savoir se fondre dans la masse ignorante des hommes l’était tout autant et il fallait donc pour cela pouvoir « vivre » comme eux, donc suivre le même type de cours, avoir un métier « officiel » ensuite…

« M’enfin je dis ça mais les cours inintéressants je faisais tout pour les éviter. Donc je comprends très bien. Même si je trouve pas ça si malin maintenant.

Maintenant à l’infirmerie, Elwin laissa Kagame l’assisté dans les soins. Le bandage était serré. Elle pouvait respirer et n’avait pas de fourmillement. Cela ferait l’affaire et lui éviterait de se vider de son sang (qui sait ? un médecin aurait peut-être voulu recoudre.). Le bras c’était réglée. La seconde… Evidemment il fallait retirer la chemise. Elle s’y était attendue et s’exécuta donc, grinçant des dents lorsqu’elle sentit la blessure la tirailler. C’était douloureux, mais cela ne signifiait rien quant à sa gravité. Elle posa le chemisier à côté d’elle, regrettant de devoir le jeter. Il était irréparable, contrairement à elle. Son corps en avait vu d’autres, comme pouvait en témoigner les nombreuses estafilades, griffures, anciennes, que l’on pouvait deviner dans des traits plus clairs, parfois blanchâtres sur sa peau. Elle avait au moins la chance de ne pas faire des cicatrices épaisses et hideuses.

« C’est bien… Le temps de guérir ça et je renquille avec un autre genre de moyen d’exciter le vampire… » pensa-t-elle, estimant que les blessures saigneraient de temps en temps sous l’effort pendant les prochains jours.

« Merci. Au passage si c’est purulent la belle estafilade dans le dos tu me dis. » autant en profiter de l’occasion. Le miroir c’était pas facile et même si ce n’était pas nécessairement la personne qu’elle aurait choisie pour se faire soigner à torse dénudée elle avait le mérite d’être là. Et puis elle n’était pas désagréable non plus. Donc Elwin ne voyait pas de raison de se sentir gênée, encore moins pudique. Et puis cela lui permettrait de confirmer ce qu’elle savait déjà : la vieille blessure était en bonne voie de guérison, aussi propre que faire ce peu.

« Une boîte de chocolat ça t’irai ? » demanda t elle, trouvant que c’était une bonne façon que de montrer sa gratitude. Ce n’était toutefois rien face au fait de s’être légèrement fait sauver les fesses. « Et si c’est pas assez… On peut en discuter ! » . Quoi que cela puisse être, elle était prête à étudier sérieusement la demande. Evidemment acheter une couronne de diamants n’était pas acceptable mais il y avait des façons moins coûteuses et tout aussi (ou plus) agréables de faire preuve de gratitude.

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Humain

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Kagame ne savait pas si elle devait grincer des dents ou studieusement prendre note des conseils de son aînée. Le sujet des cours n'était pas des plus excitants, comme Elwin, elle aimait les fuir et se consacrer à autre chose de plus... important, quelque chose qui la fasse se sentir utile. Parce que, sans le filtre de " les études c'est important, ça forge le caractère et te donne des connaissances indispensables ", être assis pendant plusieurs heures à écouter un cours de maths... disons que ça ne donnait pas vraiment l'impression de faire quelque chose qui compte. Mais, au fond, Elwin avait totalement raison, sur toute la ligne même, les études, c'est sacré, et Kagame le savait, le voyait. Si apprendre ses formules de maths n'allait pas la sauver face à un vampire, les leçons de vie enseignée en classe, telles que comment travailler efficacement, savoir écouter et suivre des instructions, étaient forcément utiles dans la vie de tous les jours. Ravalant donc son amertume, Kagame nota dans un coin de son cerveau qu'il lui faudrait être un poil plus assidue.

Lorsqu'elle se tourna à nouveau vers Elwin, armée de sa nouvelle compresse, il y eut un bref instant où Kagame se figea de surprise. Si elle s'était attendue à ce que la hunter en profite pour enlever sa chemise, elle ne s'était pas le moins du monde préparée à voir... tant de peau. Elle se reprit rapidement, se hâtant de contourner la jeune femme et prenant soin de garder le regard assez haut pour leur éviter toute gêne à toutes les deux. Si elle n'était pas extrêmement pudique, surtout dans une situation comme celle-ci, Kagame préférait quand même laisser aux autres leur intimité et garder la sienne.

" Assieds-toi au moins, tu m'donnes mal aux jambes. T'es blessée, profite de cette excuse ! " S'exclama-t-elle en récupérant une chaise qu'elle plaça près de la jeune femme, poussant doucement mais avec insistance son épaule vers celle-ci.

Elle ne bougea pas tant qu'Elwin ne se fut pas assise. Quand enfin elle fut installée, Kagame, satisfaite, la contourna à nouveau pour accéder à son flanc gauche.

En entendant la commande d'Elwin, Kagame jeta un coup d’œil au dos de celle-ci. Une belle balafre le barrait, trop ancienne pour être du matin même mais assez récente pour qu'il faille continuer de la surveiller. Elle semblait cependant assez propre, si ce n'était encore rougeâtre. Kagame préféra ne pas toucher sans qu'on lui en ait donné l'autorisation explicite, se contentant de détailler la blessure, vérifiant qu'aucune complication ne pointait le bout de son nez.

" Ça a l'air plutôt clean. Ça devrait faire le reste tout seul. Je suppose. "

Une fois cette tâche complétée, Kagame se retourna vers la plaie plus récente qui courrait sur les côtes d'Elwin, s'accroupissant pour être au bon niveau en lui demandant de lever le bras. Elle marmonna un vague avertissement avant de presser doucement la compresse sur la blessure, nettoyant vite et bien en essayant d'être la plus délicate possible.

" Comment ça, une boîte de chocolat ? Tu m'dois rien j'te signale. C'est notre job, c'est pas comme si j'aurais pu te laisser là ", râla la Yagari.

Elle ne comprenait pas vraiment le besoin de la 'payer' comme si aider Elwin, aucun autre hunter ne l'aurait fait. Elle avait juste appliqué ce qu'elle avait appris, fait son travail aux côtés d'une collègue. Au pire, ce serait à la guilde de lui filer une prime pour lui avoir évité une possible démission forcé. Et puis bon, c'était pas non plus comme si c'était elle qui avait fait tout le boulot. Elle avait juste tiré deux balles, abattant un seul des nombreux assaillants, alors qu'Elwin s'était occupée du reste. Seule.

" Si tu veux me faire plaisir, évite de frôler la mort aussi tôt, grogna-t-elle pour changer de sujet. On a pas idée de se battre avant le lever du soleil. Tu m'étonne que tu te sois faite avoir. "

Une petite pichenette amicale sur la cuisse et Kagame se releva pour aller jeter la compresse.

" Tu veux la bander aussi ? T'as besoin d'aide ? Demande, tant que je suis encore là. "

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Des remous dans l’ombre

La précédente blessure était donc en bonne voie de guérison. C’était rassurant car même si elle ne la pensait pas infectée, elle n’en restait pas moins et gênante et douloureuse. Quant aux nouvelles… Elles allaient l’obliger à rester calme un moment. D’une part elles étaient mal placées et d’autre part il était dangereux de se promener avec des plaies pouvant se mettre à saigner à tout instant quand l’on traquait des animaux -un vampire de level E ne valait guère plus de considération- capable de sentir le sang si facilement.

Elle remarqua également la gêne de la jeune fille devant son absence de sous-vêtements. Cela lui donnait un aspect innocent, mignon même aux yeux d’Elwin. Tous ces efforts pour ne pas regarder trop haut, pour se concentrer sur la tâche confiée. Sur ce point elles étaient bien différentes. Elwin et la pudeur n’allait pas de paires. Elle se montrait décente d’ordinaire mais une situation osée ou tendancieuse ne l’émouvait en aucune façon.

« Au moins une bonne nouvelle. » consta t elle avant de sourire à ce que répondait Kagame à sa proposation de chocolat. Oui, c’était logique et même normal qu’un chasseur vienne en aide à un autre chasseur. Mais logique et normalité n’étaient pas toujours de mise. Certains étaient lâches, veules. D’autres ne s’intéressaient qu’à leur propre personne et laisser les autres mourir sans le moindre regard. Et puis même si une chose était normale, rien ne l’interdisait à faire un geste en remerciement. Cela aussi était normal.

« J’aurais pu crever je te signale. C’est pas rien ça ! T’as jamais profité de tes actions pour te faire plaisir toi ma parole ! »

Elwin le faisait depuis des années. C’était une façon d’améliorer l’ordinaire quand la seule source de revenus résidait dans ce que l’on pouvait trouver à droite et à gauche, dans des petits boulots minables ou des plans foireux. Elle n’avait jamais cherché à se rapprocher de la guilde, n’aimant ni la mentalité ni l’idée de dépendre d’un groupe dont elle se méfiait malgré tout.

« J’aime bien la nuit. Et puis tu veux que je sorte quand ? Pendant que je bosse ? »

Elle l’avait dit avec une voix aimable, sur le ton de la plaisanterie, l’œil malicieux. Elle se devait toutefois de lui accorder le point : sortir lorsque le soleil n’était visible n’était pas prudent.

« Vaut mieux bander, vu que ça va continuer à saigner un brin un moment. Oh et cherche pas à t’embêter en évitant de regarder, ce n’est clairement pas ça qui va me déranger. »

Elle s’était finalement décidée à le lui préciser, se disant que cela ne ferait que faciliter les soins. Son regard se porta sur son épée posait non loin puis sur la petite fenêtre et enfin le parc que l’on pouvait deviner dans le jour naissant. Il était encore trop tôt pour que quiconque ne bouge. Les vampires ne tarderaient pas à regagner leur pavillon, quant aux humains il faudrait quelques heures encore avant qu’ils ne daignent se lever. Quelques heures de calme avant de retrouver les joies de la journée et de se dire qu’il aurait été plus intelligent de dormir quelques heures de plus que de sortir. La machine à café fonctionnerait encore à plein régime dans le bureau des surveillants…

« Bien… A présent plus qu’à aller trouver des vêtements propres… J’espère que j’ai fait ma lessive… » . Ce n’était bien entendu pas le cas puisque la veille elle s’était dit « je m’en occuperai demain, il est trop tard de toute façon. » vu qu’elle y avait pensé que passé 22 heure. Elle allait devoir composer avec les fonds d’armoire et elle n’y trouverait pas de la soie douce et agréable sur la peau -elle n’avait de toute façon qu’un foulard en cette matière-. Ces derniers temps elle était décidément tête en l’air. Elle se demandait bien pourquoi et ne parvenait pas à mettre le doigt dessus.

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Humain

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" Justement, n'importe qui aurait fait la même chose. 'Fin, avec les moyens qu'il aurait eu quoi. "

Tout le monde ne se promenait pas avec une arme à feu ou même une arme blanche dans les poches, Kagame en était bien consciente. Ça pouvait d'ailleurs être source de confusion pour les hunters. Citoyens et forces de l'ordre n'appréciaient parfois que très peu de voir quelqu'un se promener avec une arme au côté, ce qui pouvait forcer les hunters à prendre les précautions nécessaires pour cacher leur matériel. Pas toujours pratique, mais mieux que d'affoler une foule pour rien.

La répartie d'Elwin la prit au dépourvu. Effectivement, vu qu'elle avait un vrai emploi, sortir pendant ses heures de travail était plutôt déconseillé si elle voulait garder son job. Même si, de ce qu'elle en avait vu, le directeur ne semblait pas du genre à se formaliser d'une ou deux absences -surtout connaissant le titre de hunter d'Elwin-, valait mieux ne pas irriter son patron pour garder sa paie. Donc oui, pour le coup, Kagame n'avait rien à rétorquer. Point pour Elwin. Kagame ne put que grommeler tout bas, assez déçue de ne pas trouver quelque chose à dire.

En revenant vers Elwin, Kagame attrapa les bandages et revint s'accroupir près de la blessée. Qui, apparemment, avait remarqué sa gêne. Kagame sentit son visage chauffer doucement. Elle n'était PAS embarrassée. Non, peut être un poil déstabilisée, mais c'était tout. Et si elle continuait tout de même d'éviter de trop la regarder, c'était parce qu'elle avait un code moral et que, quoiqu'en dise Elwin, elle avait le droit qu'on la soigne sans en profiter, sans arrière-pensée.

Kagame se mit vite au travail, déroulant à nouveau la bande et demandant à Elwin de lever les bras tant qu'elle n'aurait pas fini. Comme la blessure était sur le tronc de la jeune femme, il lui fallait encercler son ventre de tissu, ce qui n'était pas une mince affaire au début mais elle prit assez rapidement le coup de main. Elle prit soin de ne pas trop serrer celui-ci, estimant qu'il serait beaucoup plus encombrant que celui sur le bras.

Une fois son travail terminé, elle recula d'un pas, scrutant le bandage pour vérifier qu'il n'allait pas se défaire au moindre coup de vent, avant de se redresser.

" J'espère que ça ira. "

Et c'était sincère. Elle avait envie de bien faire, d'apprendre et de s'améliorer, parce que c'était une chose de mettre un pauvre pansement sur sa propre jambe de temps à autres, c'en était une autre de s'occuper d'une véritable blessure, d'autant plus si c'était sur quelqu'un d'autre.

Ah, des vêtements, ce serait préférable en effet. Pas sûr que les élèves apprécient ce nouveau look. Elles avaient encore du temps avant que les cours ne commencent, mais il n'était pas impossible qu'elles croisent un élève un peu trop lève-tôt. Et si Elwin sortait de l'infirmerie, c'était soit dans sa belle chemise ensanglantée qui ne manquerait pas de faire s'évanouir les plus faibles de la Day et d'exciter la Night, soit dans son accoutrement actuel, qui n'était pas très adapté à l'endroit.

" J'peux aller te chercher des fringues, proposa-t-elle finalement. Vaut mieux pas que tu sorte de l'infirmerie pour l'instant et j'vais pas fouiller, promis. Ou alors j'peux te passer un t-shirt. 'Fin, pas sûr que ça t'aille, mais on peut essayer. "

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Des remous dans l’ombre

Elwin vérifia le bandage. Il tenait et c’était le principal. Le seul problème c’était bien qu’une couleur rosée se manifestait déjà à l’emplacement des blessures. Elle n’aimait pas cela. Elle n’avait pas eu le sentiment que la blessure était particulièrement grave, ni qu’elle exigeait des points de sutures mais elle n’en était pas moins présente et guère enchantante.

Elle récupéra sa chemise, déchirée, ensanglantée. Elle était en piteuse état. C’était indéniable. Pauvre bout de tissu condamné à brûler et être à jamais oublié… Elle ne le remit pas moins, grinçant des dents tout en se maudissant en y allant que trop hardiment et réveillant une vive douleur à son côté. En plus de prendre soin d’une blessure, elle devrait réellement se ménager et ne pas forcer. Elle détestait cela.

« Ne t’en fais pas pour ça. Le manteau par-dessus ça passera tranquille. Avec le temps, j’ai appris à trouver tout un tas d’excuses bidons et à gérer les appétits sanguins… Si ça t’inquiète vraiment tu peux m’escorter. »

Une alternative qui n’était pas nécessaire à ses yeux. Elle ne craignait pas grand-chose dans l’académie, non que rien ne pouvait arriver mais que le risque lui semblait dérisoire. Pour autant, vu l’heure, elle doutait de voir quiconque intervenir en cas de problème et le chemin vers les dortoirs étaient remplis d’endroits parfaits pour qu’un marchand de mort ne décide de prélever en six fois sang frais. Une présence aurait donc quelque chose de rassurant pour la blessé, mais voilà tout. Au final, c’était plus une alternative, un compromis offert à une personne craignant quelques incidents à cause de ses blessures.

Elwin balaya de nouveau la pièce du regard et se rappela d’un détail qui la fit sourire. Kagame lui proposait d’attendre ici, dans l’infirmerie d’une vampire. L’infirmière n’était pas des plus humaines. Elle pouvait bien se cacher, les signes ne trompaient pas. La sensation détestable qui parcourait sa nuque chaque fois qu’Elwin la croisait était signée.

« Et de toute façon je ne vais pas attendre ici. Cela reviendrait au même que de me promener dans les couloirs dans mon état. »

Une affirmation péremptoire. Elle avait pris sa décision et n’en démordrait pas. Elle reprit ses effets et passa la porte, jetant un regard qui semblait dire « Tu viens ? » puis elle s’engouffra dans les couloirs bercés par la seule clarté extérieure. Elle n’avait pas besoin de lumière pour trouver son chemin. Elle parcourait l’académie tous les jours et avait mémorisé chaque couloir, chaque meuble qui pouvait la gêner, chaque porte. Gagner les dortoirs était dès lors un jeu d’enfant.

« Je devrais penser à prendre de quoi me changer au cas où pendant la journée aussi… » pensa t elle tout haut, ne gardant bas que la pensée suivante : prendre une arme secondaire, un pistolet. Manier l’épée allait s’avérer difficile.

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Humain

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Si le manteau était un argument convainquant, Kagame n'était pas certaine de vouloir laisser Elwin seule tant qu'elle n'estimerait pas que la hunter était assez en sécurité. Certes, elle pouvait très bien se défendre toute seule, la Yagari n'était pas en train de remettre ses capacités en question. Non, ce fut plutôt un étrange instinct à peine éveillé qui la poussa à se lancer à la suite Elwin qui s'engageait à nouveau dans les couloirs.

Kagame se remit à sa hauteur, n'ayant pas très envie de la suivre comme si elle était son ombre. Elle enfonça les mains dans ses poches, gardant l'esprit ouvert et l’œil alerte bien que l'établissement soit relativement calme à cet heure. Elles n'auraient pas envie de se faire surprendre une nouvelle fois.

" Bon, j'peux bien te suivre jusqu'à ta chambre, grommela-t-elle en la rattrapant. Mais j'vais pas te servir de garde du corps bien longtemps, j'ai du travail et ta journée aussi devrait bientôt commencer. Je surveillerait tes arrières quand je pourrais, vu que t'as l'air de galérer sans moi. "

La dernière phrase n'était qu'à moitié ironique. Si Kagame n'avait pas très envie qu'elle sache pour ce subit instinct protecteur -de ce qu'elle avait vu, Elwin se ferait une joie d'innocemment lui lancer quelques piques à ce sujet-, il ne serait quand même pas de trop de garder un œil sur elle le temps que la journée passe et qu'elle se débarrasse de l'odeur de son propre sang. Juste histoire de. Et puis, si ça lui permettait de taper quelques Night un peu trop arrogants...

Jetant un coup d’œil en coin à Elwin, Kagame se permit d'observer curieusement son arme. Elle était bien plus habituée aux bruyantes armes à feux, plus efficaces selon elle car ne nécessitant pas de se rapprocher plus que de raison de la cible pour transpercer tout aussi efficacement. Le maniement d'une lame demandait un entraînement et une précision différents, qu'on lui avait aussi enseignés mais avec lesquels elle n'était plus très familière. De plus, Elwin était son aînée, avec probablement des années d'expérience devant elle. Une mine d'informations autre que Tôga.

" Hey, toi qui sait comment ça marche, dit-elle pour attirer l'attention d'Elwin. Est-ce que y a des trucs particuliers auxquels faut faire gaffe pendant les missions ? Quand t'es pas en train de mourir, j'veux dire. "

Bizarrement, Kagame aimait bien remettre ce sujet sur le tapis. C'était pour l'instant le seul point sur lequel elle pouvait taquiner pas trop méchamment Elwin et elle comptait bien l'utiliser jusqu'à ce que mort s'ensuive.

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Des remous dans l’ombre

L’escorte jusqu’à la chambre était un compromis satisfaisant. C’était aussi, d’une certaine façon, une façon de se rassurer. Son état, elle avait dû mal à le reconnaître, ne lui permettait pas de prendre des risques inutiles. Elle avait beau dire qu’elle avait été dans pire état, il y avait toujours eu l’adrénaline pour la faire tenir debout, pour faire s’actionner les muscles meurtris, déchirés de son corps. Mais à cet instant précis il n’y avait rien de tout cela. Seule la lassitude demeurait et l’envie de s’effondrer sur le sol, de fermer les yeux, de laisser le sommeil prendre le dessus. Ce n’était donc pas une mauvaise chose que cette fille semble vouloir l’accompagner, même si elle affirmait ne pas aller jouer l’escorte toute la journée. Ce qui comptait c’était simplement qu’elle lui évite de s’endormir dans un coin. Cela ferait désordre.

« Eh ! Je peux encore aller me laver seule ! Ou du moins faut me laisser mes illusions ! » elle eut un sourire tapageur, forcé. Elle avait bien saisi qu’il y avait moquerie et se disait même qu’elle pourrait jouer de la prétendue et possiblement sérieuse bonté de cette chasseresse et élève. Ce ne serait pas nouveau de toute façon que la surveillante mettrait à profit un étudiant désœuvré au travail.

« Mais oui, ce serait bien de se bouger… Ce serait dommage de ne pas être à l’heure pour cette magnifique journée en personne sérieuse et studieuse que nous sommes ! »

Une pic bien ciblée vers celle qui fuyait les cours. C’était son terrain pour frapper et il aurait été malheureux de ne pas en profiter pour contre attaquer. Elle passa toutefois vite à autre chose, réfléchissant à une façon de camoufler l’odeur du sang aux nez fins. Elle allait sortir une herbe au parfum assez musqué pour ce faire, ou quelque chose du genre… Puis elle revint à la conversation, qui revenait sur un domaine qu’elle connaissait bien : la traque.

« Mission… On voit bien que t’es lié à la guilde toi… Pour moi ce n’est… Qu’un devoir, une obligation du fait de ce que je suis. M’enfin… Pour te répondre… A part rester sur ses gardes et ne pas se poser de questions sur le bien ou le mal ? Je saurais pas te dire… P’tet penser à avoir une autre arme au cas où la première nous ferait défaut…. Surveiller les chemins de replis, faire gaffe aux angles morts… A part ça y a pas de secrets. Y a que l’entraînement et l’exercice ensuite pour gagner en assurance, et en compétence. »

Elle n’avait jamais réfléchi à une stratégie particulière. Tendre des pièges, se servir d’appâts, cela elle y avait eu recours à bien des reprises mais il n’y avait pas une recette clef. Tout dépendait du moment et du terrain.

« Après si tu veux t’entraîner, sous couvert de sport ou d’activités de club y a toujours moyen de s’arranger ça. Ce n’est qu’un boniment à raconter à tous les ignorants. »

Elle n’irait pas parler d’humain, même si elle ne voyait pas les chasseurs comme des êtres parfaitement humains. Ils avaient après tout le sang du démon dans les veines, faisant d’eux par ce fait des hybrides. Cela permettait de ménager l’illusion, l’espoir de ne pas être inhumain, d’avoir encore une place dans l’ordre des choses lorsque la guerre prendrait fin par une extermination totale et définitive des vampires.

« Si t’es si inquiète t’auras qu’à pointer au bureau de la meilleure des pionnes. Y a toujours un truc à faire faire aux élèves, comme aller déposer les fiches d’appel, venir s’expliquer sur une absence ou sur le pourquoi l’on dormait en cours… Si tu savais ce que j’entends parfois… »

Il y avait tellement d’élèves inventifs pour les mauvaises excuses et la mauvaise foi. Le réveil qui ne fonctionnait pas était un grand classique mais les meilleurs tenaient souvent à un incroyable sens de la broderie. Imaginer une histoire abracadabrante et donner l’impression qu’elle étiat sincère n’était pas donnée à tout le monde. Hélas le résultat était toujours le même : 2 heures de colle pour foutage de gueule avec un 2/20 pour l’effort.

Codage par Libella sur Graphiorum

Humain

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Si le commentaire bien ciblé sur leur assiduité ne l'avait qu'effleurée, Kagame ne put retenir la discrète grimace qui déforma ses traits un instant. Elle avait elle-même avoué ne pas être des plus sérieux scolairement parlant et ne comptait pas s'en sentir particulièrement honteuse dans un futur proche, mais cela ne l'empêchait pas de savoir qu'elle était en tort et que c'était un défaut, sinon une faiblesse, que de ne pas profiter de cette éducation. Il lui fallait le plus d'armes possibles, comme l'avait dit Elwin avec justesse. Mais ce n'était pas non plus pour cela qu'elle se sentait soudain immensément investie dans ses études ; elles restaient une inquiétude mineure à laquelle il lui faudrait prêter un poil plus attention, mais ça pouvait encore attendre.

Kagame n'était qu'un poil irritée par la gentille moquerie, l'idée de se forcer à rester attentive en cours l'était bien plus et Elwin semblait décidée à lui rappeler les efforts qu'elle ne fournissait pas. La Yagari souffla, contrariée, et enfonça les mains dans ses poches, bien décidée à ignorer ces pensées désagréables pour le moment.

Kagame lâcha un 'hum' dubitatif pour seule réponse aux paroles de la chasseresse, fronçant les sourcils dans une moue boudeuse.

" On sait jamais, la vapeur peut être un ennemi redoutable, " marmonna-t-elle, plus dans une -stupide- tentative désespérée d'avoir le dernier mot qu'autre chose.

Elle dut se forcer à sortir de la mauvaise humeur obstinée dans laquelle elle s'était laissée glisser pour prêter correctement attention à ce qu'Elwin dit ensuite. C'était un sujet qu'elle avait elle-même amené, il aurait été malvenu de ne pas écouter et profiter des conseils d'un chasseur expérimenté. Kagame étouffa son irritation puérile et prit soin de marcher aux côtés d'Elwin pour ne pas rater ce qu'elle disait. Elle avait des progrès à faire et toute astuce était bonne à prendre.

La réponse à sa question ne fut pas ce à quoi elle s'attendait. Elwin paraissait très détachée de la Guilde et de ses actions, ce qui était assez surprenant pour quelqu'un n'ayant jamais eu affaire qu'à des chasseurs sous ses directives. Pour Kagame, c'était un travail, qu'elle effectuait avec enthousiasme certes, mais un travail tout de même. Elle était curieuse de savoir quelle raison poussait Elwin à continuer la chasse, elle qui avait un travail stable et qui n'était pas liée par contrat à la Guilde. Même si la chasseresse avait un talent indiscutable et des années d'expérience derrière elle, elle avait tout aussi droit à une existence plus paisible qu'un humain ignorant. 'Devoir' et 'obligation' lui paraissaient des motivations trop peu concrètes, mais elle tint sa langue à ce sujet. Ce n'était pas à elle de fourrer son nez dans les affaires des autres comme un enfant dénué de tact.

Elle prit cependant bonne note des conseils qui suivirent, hochant légèrement la tête. Elle eut un sourire une fois qu'elle eut fini, s'imaginant tout à fait les excuses alambiquées que les élèves étaient capables de concocter. Quoique, sachant ce que les hunters savaient, certaines pouvaient être assez vraisemblables.

Kagame prit une inspiration silencieuse, remontant les épaules jusqu'au oreilles pour s'étirer légèrement le dos.

" J'me doutais bien que 'fallait s'entraîner, mais une astuce miracle pour être efficace n'aurait pas été de refus non plus, soupira-t-elle, jouant avec un fil de sa poche. Mais merci pour les conseils, j'vais p't'être me prendre un couteau pour le corps à corps. "

Elle allait avoir du boulot pour s'améliorer. Peut être que s'incruster dans des clubs pour améliorer ses réflexes n'était pas une si mauvaise idée que ça. Pour le reste...

Kagame tourna la tête vers Elwin.

" J'abuserais probablement de ton temps aussi. T'as l'air d'y connaître un rayon niveau armes blanches, et si je me débrouille quand même, ça me ferait pas de mal de m'améliorer si j'en prend une. "

Une manière très peu subtile et très peu aimable de demander de l'aide, mais le filtre de politesse avait du mal à rester en place une fois qu'elle se sentait assez à l'aise avec quelqu'un. Et puis, malgré son statut de pionne, Elwin était de bonne compagnie et ne s'était pas une seule fois offensée de la dureté de son phrasé.

Elle eut un sourire taquin.

" Tu vas pas te débarrasser de moi facilement, désolé. "

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Des remous dans l’ombre

Elwin eut un sourire bien doux envers Kagame devant sa réponse. Elle avait encore cette illusion de la jeunesse selon laquelle il y avait nécessairement une solution miracle. Mais la vie était bien plus cruelle, bien trop retord pour offrir une telle possibilité. Dans un combat, ce n’était pas un pas qui assurait la victoire parce qu’il était imparable. C’était seulement un pas, bien placé, qui ouvrait une fenêtre et que l’on s’engouffrait dedans au bon instant. C’était un alliage de maîtrise et de chance.

« J’aurais aimé pouvoir te donner une telle technique mais cela n’existe pas. A part une connaissance des différentes formes de combat, du fonctionnement du corps, un entraînement constant et de l’expérience tu ne peux espérer qu’une chose pour t’aider : un peu de chance. »

Dans leur cas, cela incluait de s’attendre à des coups tordus, de la sorcellerie -le mot était suffisamment juste pour être adaptée- de la part des vampires dotés de quelques pouvoirs. En somme il s’agissait de ne pas oublier que l’adversaire n’était pas humain, qu’il n’avait pas les mêmes limitations mais cela Kagame le savait forcément déjà.

« Ce n’est pas le temps qui me manque. Ne t’en fais pas pour ça. Je peux t’aider à t’améliorer, bien entendu. Et même si tu ne choisis pas une arme blanche, savoir les utiliser permet de les contrer. Et un couteau, c’est parfois bien utile devant des malfrats humains. Bizarrement, la police n’aime pas que l’on tire en ville sur les gens... »

Une fois devant la porte de la chambre, Elwin sortit une clef d’une poche, fit jouer la serrure et poussa la porte. Comme la conversation n’était pas totalement terminée, ou plutôt qu’elle était bien partie pour continuer, elle ne la congédia pas.

« Tu peux entrer. Pour un entraînement, donne moi au moins une petite semaine, le temps de me remettre sur pied. Je pourrais tout de même te donner des exercices à faire toute seule, et je regarderai juste. D’ailleurs tu as déjà essayé de te battre en robe et talons ? C’est… Intéressant. »

En vérité elle pensait à un tout autre mot : atrocement difficile, affreux, immonde. Il était encore heureux que les femmes avaient fini par abandonner le corset mais les vêtements de soirées n’étaient pas des plus adaptées pour autant. L’obliger à combattre avec différents handicaps n’était d’ailleurs pas une mauvaise idée. Ainsi elle pourrait travailler son équilibre, se montrer plus réactive en fonction des circonstances et puis il y aurait de quoi s’amuser tout le long de leurs entraînements. Elwin grava dans un coin de sa tête de faire l’inventaire de ce dont elle disposait, et de ce que l’académie pouvait offrir en ce sens.

« Bon… Des vêtements en état… Ce serait un bon début de les sortir... » lança t elle à haute voix en ouvrant l’armoire. Soulagement, elle avait fait sa lessive et avait repassé, pour une fois. Elle se défit de son manteau, décrocha un chemiser, prit un pantalon et alla vers la petite salle de bain attenante, dont elle ne prit pas la peine de fermer la porte. Elle se déshabilla lentement, puis profita du miroir pour s’assurer que tout était en ordre. Le bandage était rosée. Elle pesta. Elle était furieuse contre sa propre faiblesse, contre sa maladresse. Voir son reflet lui renvoyer son image brisée, diminuée faisait remonter le ressentiment qu’elle avait refoulé depuis le début. Depuis qu’elle était là, elle s’était trop reposée. Elle s’était cru en sécurité, elle avait cessé de fournir autant d’efforts, de se maintenir autant en forme. Sans qu’elle ne réfléchisse, elle frappa le bord de l’évier avec le poing, violemment, bruyamment. La douleur qui en naquit la calma et elle passa les vêtements propres avant de revenir vers la chambre.

« Bien. Tu veux boire quelque chose avant de partir affronter la journée ? » demanda t elle en prenant la bouilloire déjà pleine d’eau sous le bureau, l’y déposant avant de la mettre à chauffer pendant qu’elle préparait une petite cafetière à piston.

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Humain

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La chance, hein ? Un paramètre bien trop instable pour être rassurant, surtout si Kagame prenait la propension de la famille Yagari à trouver les ennuis plus vite que son ombre. Elle eut une grimace à cette pensée qu'elle s'empressa de repousser soigneusement.

L'entraînement et un approfondissement de son savoir, ça paraissait bien plus réalisable et fiable. C'était au moins plus facile et moins stressant de se fixer un objectif par rapport à ses compétences que de s'en remettre à la chance. Mais Elwin n'avait pas tort, et Kagame le savait. Le facteur chance était à prendre en compte et sa rencontre avec la hunter en était la preuve ; si Elwin aurait peut être su s'en sortir si la Yagari n'était pas tombée sur elle, les conséquences de son altercations avec les vampires auraient malgré tout été désastreuses.

" Ouais, j'ai mis un temps à comprendre les regards méfiants avant que je décide de ranger mes armes hors de vue ", grommela-t-elle, se souvenant tout à fait de l'inconfort d'avoir tant d'yeux désapprobateurs sur elle.

Avoir un pistolet à la ceinture avait été rassurant. Elle sentait le poids rassurant de son arme, elle se savait armée et avait la satisfaction d'être sûre que les autres le savaient aussi. Moins de chance de se faire agresser ainsi, selon elle. C'était une technique de dissuasion en somme. Un avertissement criant, malheureusement adressé aussi aux plus innocents.

" Merci. D'accepter de m'aider, lança-t-elle finalement, lorsqu'elles arrivèrent devant la porte de la chambre d'Elwin et que cette dernière la déverrouilla. Ménage toi, je devrais te laisser tranquille un moment de toute façon. "

Elle accepta l'invitation à entrer d'un signe de tête, pénétrant dans la pièce avec précautions, évitant de mettre ses bottes sales là où elles ne seraient pas les bienvenues. Ce qui se résuma à rester maladroitement dans l'espace juste devant la porte. Elle avait l'air d'un chien attendant l'autorisation de bondir sur le canapé, et c'était un poil embarrassant mais c'était toujours mieux qu'être malpolie envers quelqu'un qui avait gracieusement accepté de l'entraîner.

" Nan, j'en ai pas encore eu l'occasion, Kagame prit soin d'élever la voix en voyant Elwin disparaître dans ce qu'elle supposait être la salle de bain, mais j'suis pas sûre qu'intéressant était le mot que tu cherchais. "

Rien que de l'imaginer, Kagame en avait des frissons. Elle avait déjà du mal à croire que certaines femmes se torturaient ainsi quotidiennement, se battre dans tels accoutrements ne devait pas être plus joli qu'une balade aux Enfers. Elle eut une pensée admirative et triste à la fois pour Elwin qui, apparemment, avait déjà eu le plaisir d'expérimenter la chose.

Un bruit sourd la fit sursauter et elle eut le réflexe avorté de se précipiter vers sa source, l'adrénaline voulant déjà la pousser à l'action. Elle se retint en songeant qu'il était peu probable qu'Elwin se soit faite agressée dans sa propre salle de bain et qu'il était préférable de s'assurer qu'elle ne se faisait pas des films d'abord. Tout de même un peu inquiète, elle allait demander si tout allait bien quand la chasseuse émergea de la salle de bain, vêtue sans plus de traces de sang et semblant aussi en forme qu'avant d'y être entrée. Elle n'évoqua même pas le bruit mystérieux et Kagame décida de lui faire confiance sur ce point, tenant sa propre langue et ravalant ses questions.

" J'dirais pas non à un café ", avoua-t-elle devant la proposition alléchante.

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Des remous dans l’ombre

Comprendre, ou plutôt accepter qu’une arme porter ostensiblement puisse déranger, ne pas être moralement et légalement acceptée de tous n’était pas si simple lorsque de cette arme notre vie, et celles de ceux qui nous sont chers, de ceux que nous estimons sous notre responsabilité dépend. Elwin avait eu des difficultés à l’accepter, à le comprendre mais elle avait toujours su faire preuve de prudence, car quelqu’un avait été là malgré tout pour le lui enseigner. Kagame n’avait pas dû bénéficier de la même éducation mais Elwin n’aurait su dire si c’était un bien ou un mal. Ce simple élément n’était pas suffisant pour la juger, pour juger ce qu’elle avait appris des autres et d’elle même.

« Je ne fais que ce qui doit être fait pour ceux qui le mérite. » répondit elle au remerciement, avec un sourire. « Et me ménager, c’est vraiment pas mon fort. »

Elles entrèrent par la suite dans la chambre, où Elwin se rendit de nouveau présentable, ignorant le spectacle de la jeune hunter en proie à quelques craintes, quelques doutes quant à ce qui lui était permis de faire en ces lieux, au soin qu’elle devait apporter ou non à ne rien salir. Elle ignorait simplement que la boue, la curiosité ne dérangeait pas Elwin tant que l’on ne prenait pas le risque de chercher dans son passé, dans les seuls souvenirs qui lui restait d’une époque révolue.

« C’est pourtant bien le mot. Intéressant ne veut pas dire que c’est agréable, ni même une bonne chose. Uniquement que c’est riche d’enseignement. » et elle ajouterait à cela d’entorses ou douleurs à la cheville lorsque l’on ratait son coup avec les talons. Elle avait fini par être prête, et revenir dans la chambre où elle entreprit de servir les cafés, optant pour un café du Costa Rica, appréciant les effluves qui se dégagèrent du paquet lorsqu’elle ouvrit la boîte et déposa les mesures nécessaires à ce plaisir coupable partagé. L’eau chaude, elle le versa dessus et remua délicatement avec une cuillère propre qu’elle laissait toujours à portée dans ce but. Il n’y avait plus qu’à laisser infuser cinq bonnes minutes. En attendant, elle appuya son fessier sur le bord du bureau, se tournant ainsi avec naturel vers Kagame.

« Tu as des projets, après l’Académie ? »

La question était entendue. C’était celle d’un adulte envers une enfant, d’un professeur envers un élève. Elle s’intéressait à elle, parce qu’elle lui avait sauvé la vie et parce que connaître la personne l’aiderait sans doute à cerner sa façon de se battre, le style qui était le sien. Elle n’était pas disciplinée, pas fainéante mais pas amoureuse du travail scolaire. Que cachait elle d’autres ? Il y avait mille facettes à un individu, mille questions à poser et même si elle pouvait toutes les lui poser
elle n’en saurait qu’à peine plus.

Estimant le temps suffisant, elle prit deux tasses, servit leur boisson désiré et attendu et tendit l’une d’elle à la jeune demoiselle, en lui présentant l’anse.

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Humain

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Kagame suivit distraitement des yeux Elwin lorsqu'elle traversa la pièce avant de détourner le regard, lui laissant un brin, probablement inutile à ce stade, d'intimité alors qu'elle terminait de s'habiller fraîchement. Effectivement, la chasseuse ne semblait pas partisane du repos, comme Kagame l'avait déjà soupçonné ; elle n'avait cessé d'aller et venir depuis qu'elles étaient sorties de cette ruelle et ne semblait pas particulièrement pressée de s'arrêter ou même de s'asseoir. C'était... admirable, quoiqu'un peu déroutant. Se relever si vite de telles blessures n'était pas exactement le plus courant, certains hunters en profitaient même pour paresser quelques temps. Mais c'était aussi une nouvelle preuve de la force et la persévérance dont une femme pouvait faire preuve, malgré ce qu'avait à dire certains à ce sujet. Avoir pu se battre aux côté d'Elwin ressemblait de plus en plus à un privilège et Kagame ne pouvait qu'essayer de contenir son enthousiasme grandissant à l'idée de s'entraîner sous sa tutelle.

« Des enseignements du genre 'Se battre en talons et coincée dans une robe est une mauvaise idée, une étoile sur cinq pour la nouveauté' ? » Lança-t-elle sur un ton amusé, haussant un sourcil sceptique.

Kagame devait cependant admettre que se battre dans de pareilles conditions devait être formateur car très dépendant d'un bon équilibre. D'ordinaire, les chasseurs étaient entraînés à s'adapter au terrain et à préférer des tenues pratiques pour assurer une chasse efficace, pas à opérer sous des conditions aussi restrictives puisque la plupart d'entre eux n'aurait jamais besoin d'un tel enseignement mais peut-être était-ce une erreur. Ne disait-on pas 'qui peut le plus peut le moins' ? Une fois habitué à être efficace bien qu'engoncé dans des vêtements absolument pas adaptés, un chasseur se sentirait bien plus léger dans des tenues de son choix. Ce qui n'empêchait pas Kagame de n'avoir aucune envie de tester.

Elwin, finalement habillée et ayant tout l'air de n'avoir rien fait de spécial de sa matinée, entreprit de préparer du café. Pendant ce temps, Kagame, toujours incertaine quant à ce qu'elle pouvait faire avec ses semelles souillées, décida de simplement retirer ses bottes. Elle s'accroupit pour les délasser avec précaution et glissa ses pieds hors de leur prison de cuir, prenant soin de ne pas les bouger et laisser des traces. Quand elle fut plus libre de ses mouvements, elle put s'approcher de quelques pas d'Elwin qui s'était appuyée sur le bureau, lui faisant à nouveau face alors que le café infusait.

Des projets, hm ? Kagame se laissa un instant pour réfléchir à la question. Elle n'avait plus réellement réfléchit à l'avenir depuis un moment. Elle vivait au jour le jour, au gré des événements et des requêtes de la Guilde. Pour le moment, elle n'avait réellement en tête que terminer sa mission, d'une manière ou d'une autre, et elle supposait qu'après cela, elle attendrait les prochaines instructions de la Guilde. Mais elle n'était pas sûre que c'était la réponse qu'attendait Elwin.

« Rien d'extravagant, je suppose, marmonna-t-elle en acceptant la tasse qui lui était tendue avec un hochement de tête en guise de remerciement. J'vais probablement profiter d'être là pour rester un peu avec Yagari. »

Elle prit le temps de boire une gorgée de café, savourant le riche arôme et la caféine qui lui donnerait bientôt le courage d'affronter le reste de la journée.

« J'peux te demander ce que tu fais là, à jouer la surveillante ? S'enquit-elle finalement. Y a une raison particulière qui t'as poussée à venir là ? Parce que, parmi toutes les écoles que tu pouvais choisir, t'as quand même choisit la seule qui abrite des vampires alors que c'est pas pour une mission. »

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